Financement, consultation populaire, mobilité … : Une nouvelle « convention » signée sans savoir.
Profitant de la période des fêtes, la Commune signe une nouvelle convention-cadre avec la Région, avant toute consultation populaire, sans réel plan financier, et en oubliant le dossier mobilité dont la faiblesse est reconnue par le Bourgmestre lui-même.
« Pourquoi s’enfoncer si vite dans un projet dans lequel il demeure autant d’incertitudes » s’est inquiété Etienne Dujardin lors du Conseil Communal (19 décembre) qui a voté la nouvelle convention ? Cette dernière pourra toujours être retirée, lorsque les riverains pourront (enfin) donner leur avis et s’y opposer, mais tout indique que le Bourgmestre joue la montre dans l’espoir de clôturer le dossier avant les élections. Est-ce bien démocratique ?
Aucun plan financier précis
On l’a dit souvent, les finances de la société des logements sociaux En Bord De Soignes (EBDS) sont largement dans le rouge depuis plusieurs années, et le trou se creuse. Pourtant, Benoît Cerexhe estime «sans pouvoir en parler en Conseil Communal, ne pas douter des capacités financières de EBDS de pouvoir gérer ce projet (ndlr : colossal) ». Un plan qui lui imposera pourtant des remboursements durant 27 ans (délai prévu dans la convention).
Par ailleurs, la Commune reconnaît, pour la première fois, une dépense de 4 millions d’euros pour les infrastructures collectives (crèche et centre communautaire), à payer avant 2027. Mais la Commune aurait obtenu «un accord de principe» sur un subside de la SLRB. Pour rappel, la SLRB, en charge des logements sociaux, dépend de la Région bruxelloise, dont les finances sont, elles aussi en (très) mauvaise santé. Rappelons que l’endettement de la Région -qui était de 11,4 milliards au 31 décembre 2022- devrait croître au cours des deux exercices suivants de plus de 2 milliards. La Cour des Comptes parle de manque de transparence du budget (RTBF).
Faute de données disponibles, Etienne Dujardin tente, de manière empirique, de calculer la faisabilité financière du projet de construction. Le projet étant financé à 50% par la SLRB , il reste 30 millions d’euros à charge d’EBDS (bailleur social). Malheureusement, dès 2024, la SLRB n’accordera plus de prêts à long terme aux SISP (sociétés de logement social) remarque Etienne Dujardin. La convention, qui vient d’être signée, assure pourtant qu’une solution financière sera trouvée d’ici 2029 (?!). Non seulement ce n’est pas précis, mais ce sera supporté par les prochaines majorités. «Dans le logement social, la règle est que le loyer ne peut dépasser plus de 20% des revenus des personnes. Soit 300 à 500 euros, calcule le Conseiller communal. Pour un montant de 30 millions d’euros à rembourser grâce aux loyers, l’on peut compter 500 euros X 12 mois X 27 ans (délai prévu de remboursement par la convention) X 120 logements sociaux. » On est bien loin ( la moitié à peine) du
montant requis. Et cela sans compter les taux d’intérêt, ni les frais d’entretien qui seront déjà importants après 15 ans.
« Ce n’est pas avec des projets comme ça qu’on va améliorer la santé financière de la SISP » remarque ironiquement Etienne Dujardin qui conclut: «On nous demande de signer une convention portant sur un montant énorme, sans plan financier crédible.» Et la convention a bien été votée ce mardi.
La Commune abandonne le PPAS
Accusé par l’opposition d’avoir abandonné la défense du PPAS de 130 logements (soutenu à l’époque par l’actuel Bourgmestre), Benoît Cerexhe justifie sa position par le fait que la législation a changé et permettrait à la Région de tenter l’abroger ce PPAS. Pourtant, cette réalité existe depuis des années déjà, et n’a pas permis à la Région d’imposer deux projets (Dupuis en 2007 et Frémaud en 2017).
Par le passé, la Commune avait toujours soutenu le PPAS d’origine. Un bel exemple à suivre est donc celui de Boitsfort qui, avec les riverains, se bat pour protéger le Champ des Cailles.
Au contraire, l’argument invoqué par la majorité de Woluwe -Saint-Pierre reste le même depuis deux ans. Il tient en une phrase : « nous n’étions pas demandeurs de ce dernier projet, mais si on ne l’accepte pas, ce pourrait être pire la prochaine fois. » Tout le contraire d’une politique visionnaire, à un moment où l’évolution des mentalités est, au contraire, favorable à une Région plus écologique et à l’augmentation des zones vertes dans une région surpeuplée (cfr Alain Maron Ministre Ecolo). Le Champ de Dames Blanches est emblématique de cette vision futuriste.
Consultation populaire? «Plus tard»
Autre constat formulé par le Conseiller communal (MR) Etienne Dujardin : en signant au pas de charge cette convention avec la Région bruxelloise, la SLRB et En Bord de Soignes (EBDS), la Commune marque une rupture avec sa politique antérieure. «En signant cette convention, on affaiblit le poids de l’avis qui sera demandé aux riverains. Si les habitants disent non, la Commune sera en difficulté avec la SLRB qui pourra sortir sa convention en cas de litige. »
Autre point inquiétant : l’impossible de savoir quand sera organisée la consultation populaire promise, alors que l’on ne connaît pas encore, selon le Bourgmestre, « la manière dont le projet urbanistique va se développer sur le terrain. » Bref, on signe des conventions déjà précises dans leur contenu, mais ce n’est pas encore assez clair pour demander l’avis des riverains.
Mobilité : un problème glissé sous le tapis
L’aspect mobilité aussi est oublié. Lors de la dernière réunion publique (on ne parle pas des 4 réunions secrètes tenues avec 20 personnes « choisies au hasard et rémunérées), tout le monde, y compris le Bourgmestre et certains Echevins ont reconnu que les paramètres de mobilité avaient été largement sous-estimés. Et là non plus, la convention n’apporte pas de réponse. Ce qui n’empêche pas la majorité de la signer.
Le plus mauvais moment pour signer
Pour l’anecdote, le point précédent celui des Dames Blanches au Conseil communal, portait sur le survol de Woluwe par les avions de Zaventem. Le Bourgmestre se révoltait, avec raison, que l’enquête publique de la Région flamande sur l’avenir du ciel bruxellois avait lieu pendant la période des fêtes « lorsque les gens pensent à autre chose ». C’est pourtant la même stratégie qu’il utilise aujourd’hui pour faire passer le vote de la convention-cadre sur le Champ des Dames Blanches.
Dans un autre contexte, on aurait pu en rire.